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Négocier âprement des droits, dans un pacte d’actionnaire, c’est bien.

S’assurer de leur efficacité, c’est mieux.

Les parties doivent s’assurer que les droits négociés (notamment options d’achat ou de vente de titres) ne seront pas résiliés par les autres parties avant d’avoir été exercés.

Ce principe, qui semble évident, n’est toutefois pas respecté dans de nombreux cas rencontrés dans la pratique, et qui donnent lieu à contentieux.

Différentes situations sont plus ou moins satisfaisantes pour la sécurité contractuelle des parties.

MAUVAIS :clause ou pacte conclu pour une durée indéterminée ou perpétuelle.

Evidemment, dans ce cas de figure, chaque partie au pacte pourra le résilier unilatéralement, à tout moment.

C’est ce qui est arrivé au bénéficiaire d’une option d’achat de titres, qui aurait été fort mari si les juges, bien intentionnés, et approuvés par la Cour de cassation (Cass. Com., 27 sept. 2017, n°16-13.112), n’avaient pas estimé qu’une telle résiliation devait être assortie d’un préavis nécessairement « sous-entendu » (sic) par la convention, « pour permettre à son cocontractant de prendre parti » (sic).

Cela n’est pas très rassurant, surtout dans les hypothèses où il y aurait impossibilité, pendant la durée d’un tel préavis, d’assurer une effectivité au droit, par exemple en cas d’impossibilité de déterminer un prix d’exercice de l’option dépendant d’une variable non encore disponible à cette date.

PAS BON :durée fixée en fonction d’un événement incertain. Par exemple, pacte ou clause conclue au bénéfice d’une société X, actionnaire, « pour autant que » cette société reste contrôlée par la famille X. Une telle condition a été jugée comme s’analysant en une durée indéterminée, permettant une dénonciation à tout moment par l’autre partie (Cass. Com., 20 déc. 2017, n°16-22.099).

Tout aussi dangereuses seront les clauses conclues « pour la durée de la société » (laquelle peut être prorogée) ou « tant que la partie X détiendra des actions ». Les quelques jurisprudences disponibles nous montrent que ces clauses risquent fort d’être analysées comme étant à durée indéterminée.

MIEUX : il est bien évidemment préférable de fixer une durée clairement définie, qui ne soit pas trop longue, par exemple 10 ans. Certaines clauses particulières, par exemple des promesses unilatérales d’achat ou de vente, ou des clauses de leaver, pourraient, pour plus de sécurité, être elles-mêmes assorties d’une durée déterminée propre et définie en fonction des objectifs qu’elles poursuivent.

Les rédacteurs devront en outre tenir compte des dispositions des articles 1212 à 1215 du Code civil, issus de l’ordonnance du 10 février 2016, régissant le renouvellement, la prorogation et la tacite reconduction des contrats à durée déterminée.

D’après la rédaction de ces textes, il semble possible que les parties s’accordent, par avance, pour qu’à l’issue de la durée initiale (par exemple 10 ans), le pacte soit tacitement renouvelé pour une nouvelle durée déterminée. Le pacte peut également être renouvelé pour une durée indéterminée, ce qui ouvrirait la possibilité d’une dénonciation unilatérale, laquelle pourrait toutefois être assortie d’un préavis suffisamment long (6 à 12 mois).

Ces mécanismes permettent d’assurer l’effectivité du pacte au cours d’une période initiale ferme, d’anticiper les effets de la fin du pacte, et tenter de le renégocier le cas échéant.

Me Vincent Blondel