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Aujourd’hui 21 juin à 17 heures, l’équipe tricolore affrontera le Pérou au stade d’Ekaterinbourg pour le deuxième match de la poule C.

Casse-tête pour certains employeurs, opportunité de team building pour d’autres, comment concilier sereinement la coupe du monde et le droit du travail ?

Voici les consignes de vos coachs Fellows, illustrées par des décisions de jurisprudence sociale rendues sur des faits survenus à l’occasion des précédentes compétitions.

1/ Peut-on regarder un match de football sur son lieu de travail ?

Avec l’autorisation de l’employeur, pas de problème évidemment. Dans le cas contraire, le salarié s’expose à une sanction disciplinaire.

Exemple : Euro 1980, 4 avril 1979, France/Tchécoslovaquie 0-2 (match de qualification) :
Est justifié le licenciement pour faute grave d’un salarié qui, passant outre le refus de l’employeur d’accéder à une demande collective de visionnage, a quitté son poste à l’heure du match de football (prétextant opportunément, mais sans en justifier, une femme en couche) et qui se trouvait de surcroit en état de récidive sur les mêmes faits (Cass. Soc. 5 janv. 1983. Lire en ligne : https://www.doctrine.fr/d/CASS/1983/JURITEXT000007078965)

Exemple : Coupe du Monde, 30 juin 2014 France/Nigeria 2-0 :
Est jugé sans cause réelle et sérieuse le licenciement pour faute simple d’un salarié à qui il est reproché d’avoir : « le 30 juin 2014 au soir, quitté son poste de travail pour aller regarder un match de football sur une tablette avec un collègue, d’avoir refusé de rejoindre son poste de travail malgré l’ordre qui lui en avait été donné par son chef d’équipe, d’avoir à nouveau regardé un match de foot sur une tablette avec un collègue le 9 juillet 2014 » [NDLR : 9 juillet 2014 = demi-finale Pays Bas/Argentine, 2-4 (t-à-b)]. En l’espèce, l’employeur n’a pas su démontrer la réalité de ses griefs. Rappelez-vous que selon l’article L.1235-1 du Code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d’apprécier la régularité de la procédure et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l’employeur forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties, au besoin après toutes mesures d’instruction qu’il estime utiles ; si un doute subsiste, il profite au salarié.CA Paris, pôle 6 – ch. 3, 13 déc. 2016, n° 16/00784. Lire en ligne : https://www.doctrine.fr/d/CA/Paris/2016/C4C3DCE4AC5D932AF5DD9 

Les consignes du coach :

  1. prévoir une communication en amont avec les salariés, pour indiquer clairement ce qui est autorisé, et ce qui ne l’est pas. Une note de service peut parfaitement être utilisée à cette fin.
  2. avant d’envisager un licenciement, s’assurer que la réalité du grief pourra être démontrée. Donc, conservez des preuves des faits reprochés. Votre salarié quitte son poste : prévoyez une notification immédiate par email.

2/ Quel rôle et quelles responsabilités pour le « chef d’équipe » ?

Sur le terrain comme en entreprise, un chef d’équipe est responsable de ses joueurs/subordonnés.

Exemples : Euro 2004 : France/Ukraine 1-0, France/Angleterre 2-1, France/Croatie 2-2, France/Suisse 3-1 et France/Grèce 0-1
Pour la Cour d’appel de Bordeaux (23 janvier 2007), le chef d’équipe qui a laissé sans réagir les 5 à 10 opérateurs sous ses ordres [NDLR : 10 + 1 = 11 : ils auraient donc pu former une équipe] regarder un match de football à la télévision au cours du mois de juin 2004 commet une faute justifiant son licenciement.

Les consignes du coach : Attention au choix de la sanction prononcée, qui doit respecter le principe de proportionnalité, c’est-à-dire être adaptée à la gravité de la faute. Il est plus aisé de qualifier la faute du salarié justifiant un licenciement, lorsque celle-ci n’est pas un simple abandon de poste, mais constitue un manquement caractérisé à une mission spécifique attribuée au salarié (ici, la mission d’encadrement).

3/ Vodka ou soda ?

Si vous souhaitez organiser des évènements festifs pour vos salariés à l’occasion du mondial de foot avec possibilité de consommer de l’alcool, vous devez garder à l’esprit deux règles essentielles :

  • la législation n’interdit pas la consommation d’alcool sur le lieu de travail mais celle-ci reste toutefois restreinte à une liste limitative de boissons alcoolisées : le vin, le cidre, la bière et le poiré (Code du travail, art. R. 4828-20) ;
  • dans le cadre de votre obligation de sécurité, l’employeur doit prendre toutes mesures permettant d’assurer la sécurité et de préserver la santé des salariés, avant et après l’évènement (trajet de retour).

Les consignes du coach : pour organiser un moment de convivialité tout en évitant les risques qui en découlent, il est grandement conseillé de respecter la liste des alcools autorisés, d’interdire la consommation d’alcool en « libre-service », de restreindre la quantité de bouteilles disponibles et surtout de faire en sorte que les salariés alcoolisés ne prennent pas le volant (prévoir des transports en commun, demander au salarié de remettre ses clés de voiture, désigner des chauffeurs volontaires, etc.).

Bons matchs !

Hélène Rondelez, Sophie Baudet et Vincent Blondel
Avocats à la Cour
Réseau Fellows