Le juriste connait bien l’intérêt des clauses pénales, qui présentent pour le créancier d’une obligation le double avantage de (i) fixer à l’avance les sommes dues en cas d’inexécution (ou de retard dans l’exécution) de son débiteur et (ii) sur le terrain probatoire, de le dispenser de la preuve de l’existence et l’étendue de son préjudice.

En présence d’une clause pénale, il suffira ainsi au créancier ainsi uniquement apporter la preuve (i) de l’existence d’un contrat, et (ii) du manquement du prestataire pour demander la condamnation à paiement du montant prévu dans la clause pénale. Concrètement, cette clause pénale va autoriser dans la plupart des cas le recours au juge de référés, juge de l’évidence, et donc favoriser un recouvrement rapide de la pénalité convenue, puisque « l’évaluation conventionnelle des dommages-intérêts est substituée à l’évaluation judiciaire qu’elle rend inutile » (F. Terré, Ph. Simler et Y. Lequette, Droit civil : les obligations, 9e éd. Dalloz, coll. « Précis droit privé », 2005, n°624, p. 615).

Moins bien maitrisé par la pratique semble être le caractère libératoirede ces clauses pénales, qui va cette fois-ci pouvoir jouer en faveur du débiteur de l’obligation, en fixant son plafond de responsabilité à hauteur du montant de la clause.

Le caractère forfaitairede la clause pénaleinterditen effet toute revendication additionnelle du créancier lorsque le préjudiceeffectivement subi est supérieur au montant convenu (ce qui est loin d’être un cas d’école) hormis la possibilité de modération ou d’augmentation de la peineprévue par l’article 1152du codecivil dans les cas de disproportion manifeste – mais cette possibilité échappe au juge des référés : le créancier frustré in fine par une pénalité fixée à un montant trop bas dans le contrat  devra saisir le juge du fond (donc patienter pendant 12 à 18 mois).

Soulignons de surcroît qu’obtenir la reconnaissance par le juge du fond du caractère manifestement dérisoired’une clause pénale est une mission quasi-impossible, dans la mesure où le créancier de la clause pénale va se voir opposer tant le principe de liberté contractuelle, que sa propre imprévision, étant « le seul à même d’avoir pu anticiper les difficultés financières que pourraient engendrer, pour elle, un retard ou un inexécution ». CA Orléans, 1er févr. 2007, n° 06/00337 ; CA Metz, 6e ch., 20 déc. 2016, n° 15/00137, confirmé par Cass. Com. 15 mars 2018, 17-13.504.

Pourtant, dans la pratique du droit des contrats, fréquentes sont les clauses pénales expressément stipulées non « libératoires », et ceci, même au sein de directions juridiques très réputées. 

L’auteur de cet article s’est ainsi vu proposé récemment par un groupe français de premier plan la clause suivante dans un contrat de services BtoB : si ce planning n’est pas respecté du fait du Prestataire, le Prestataire sera redevable à l’égard du Client, de plein droit et sans besoin d’une mise en demeure préalable, de pénalités égales à 1.000,00 (mille euros) par jour ouvré de retard – plafonnées à 20.000 euros – nonobstant la possibilité pour le Client de demander la réparation de son entier préjudice.

Que faut-il donc retenir sur la question du caractère libératoire de la clause pénale ?  

Depuis la réforme du droit des obligations (loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ratifiant l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016), le régime de la clause pénale est fixé par un unique article 1231-5, qui remplace les articles 1226 à 1229 et 1152 du Code civil version 1804.

Cet article 1231-5, sur le sujet du caractère libératoire de la clause pénale, ne souffre pas d’ambiguïté :

  • la clause pénale est dans tous les cas libératoire, même dans les cas où elle est stipulée pour un simple retard (le législateur ayant à ‘occasion de cette réforme abrogé l’article 1129 du code civil qui prévoyait cette exception au caractère libératoire de la clause pénale),
  • Toute stipulation contraire est réputée non écrite.

Par conséquent, dans le cadre de ses négociations précontractuelles, le débiteur d’une obligation pourrait être bien avisé, en présence d’une proposition de clause stipulée libératoire, d’accepter facialement le principe de celle-ci (tout en sachant que si la clause est mise en œuvre par le créancier, il pourra exciper, devant le juge, de la nullité de cette stipulation), tout en négociant en contrepartie une diminution sensible de son quantum.

Telle est l’approche retenue, dans l’exemple donné ci-dessus, transformant, à l’insu manifestement du créancier, cette clause pénale en un efficace plafond de responsabilité. Le débiteur a ainsi la garantie que son créancier n’obtiendra pas le beurre, et l’argent du beurre …

Hélène RONDELEZ
Avocat en droit des Affaires
Membres du réseau d’avocats FELLOWS